Pour réfléchir

Sur cette page vous trouverez des textes de réflexion sur la vie en Afrique, le développement, l'éducation des enfants...

Ce mois-ci nous vous proposons un extrait d'un article de Anatole AYISSI, Nations Unis (UNIDIR), Genève, Catherine MAIA, Université de Bourgogne et Joseph AYISSI, Institut des Hautes Etudes Internationales de Genève. Cet article est paru dans la Revue Etudes d'octobre 2002 p. 303-304. Vous pouvez retrouver cette revue sur le site : http://pro.wanadoo.fr/assas-editions/

"La santé et l'éducation sont deux priorités d'extrême importance au cœur de la galaxie des droits de l'enfant. Malheureusement, le moins que l'on puisse dire est que la condition de l'enfant africain n'est guère brillante dans ce domaine. De manière paradoxale, cette condition s'est considérablement dégradée au moment même où le droit réalisait de grands progrès dans la promotion du droit de l'enfant à l'éducation et à la santé.

Les systèmes éducatifs ne se sont peut-être jamais aussi mal portés depuis l'indépendance du continent, il y a quatre décennies. Dans plusieurs pays, le taux de déscolarisation et de désalphabétisation (phénomène inédit) sont galopants. Et cela loin d'être le cas des pays "particulièrement pauvres". Dans un pays comme le Cameroun (relativement aisé à l'échelle du continent), "le taux de scolarisation est en baisse depuis 1991". Et il ne s'agit pas ici de simples variations négligeables à la baisse. Pour l'année scolaire 1992/1993, près de la moitié de petites camerounaises et de petits camerounais en âge scolaire "n'ont pas été scolarisés". Dans une interview au quotidien Cameroon Tribune (18 février 1996), le Ministre de l'Education nationale insistait sur les "implications dramatiques sur le processus éducatif de la grave crise économique qui frappe le Cameroun".

En Côte d'Ivoire, où le gouvernement fait de l'éducation "une priorité", "40% du budget national [est] alloué à l'éducation". Ce chiffre pourrait laisser croire que l'éducation de l'enfant ivoirien se fait dans d'excellentes conditions. Loin s'en faut, puisque les "40 % du budget national" mentionné n'ont jamais été, même en temps normal, à la hauteur des immenses défis d'éducation à affronter dans ce pays.

Par ailleurs, lorsque l'on sait que, suite à la crise économique, le budget de la Côte d'Ivoire (tout comme celui des autres Etats africains) n'a cessé de subir de drastiques cures d'austérité, on est mieux à même de percevoir l'illusion des chiffres et la futilité des ordres de grandeur. Pour l'année scolaire 1993/1994, par exemple, au moins la moitié des petits ivoiriens en âge d'aller à l'école n'a pas été en mesure d'être scolarisée.

Au Gabon, sur cent élèves qui entrent à l'école primaire, "moins de trente accèdent à la Sixième, et un seul réussit à passer le baccalauréat". En dépit des sommes que l'Etat gabonais consacre à l'éducation nationale, "le principe de l'Ecole gratuite et obligatoire et difficilement appliqué dans toutes les écoles publiques du pays".

Quand on sait que le Cameroun, la Côte d'Ivoire et le Gabon sont considérés comme relativement privilégiés à l'échelle du continent, l'on ne peut que mieux imaginer la condition des enfants dans les Etats moins fortunés. Au Mozambique, par exemple, sur mille enfants qui entrent en première année de maternelle, moins de soixante-dix atteignent le CM2. En général, "les équipements scolaires sont insuffisants". Des outils de travail de base tels que les tableaux, les cahiers, la craie, les livres, manquent cruellement. Dans le secondaire, le gouvernement relève "un manque notoire" de laboratoires, d'équipements audiovisuels, d'ordinateurs. Au moins le tiers des salles de classe disponibles est construit en "matériaux précaires", donc provisoires.

Certaines régions du continent affichent cependant des taux de scolarisation stables, ou même "en progrès". Malheureusement, de manière générale la qualité des enseignements est en régression. Or souligne, l'UNESCO, il n'est pas suffisant que les enfants fréquentes une école, la qualité de l'éducation est essentielle et une éducation de médiocre qualité peut s'avérer aussi néfaste pour la société que pas d'éducation du tout. En Côte d'Ivoire, on constate "une stagnation des taux de scolarisation, des programmes scolaires inadaptés, une dégradation des infrastructures, des conditions pédagogiques défavorables avec un taux d'échec élevé (seulement 25 à 30 % de réussite chaque année)". Au Gabon, la "sous qualification des enseignants et le surpeuplement des classes" représentent deux grands fléaux pour le système éducatif. A Libreville, on note une moyenne de cent élèves par classe. En zone rurale, les écoles "sont souvent construites en matériaux peu durables et manquent de mobilier et de supports pédagogiques". Pour 16 % des élèves gabonais en zones rurales, "il n'y a qu'un maître pour enseigner les six niveaux du primaire, et dans certaines écoles il n'y a pas de maître du tout". Nous sommes ici face à une autre absurdité des réalités locales africaines : la création d'écoles sans maîtres !"





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